Migrations : la mentalité de l’entrepreneur espagnol en période de récession

La médiatisation de l’immigration en Espagne est de plus en plus réduite en l’image du sans-papiers, de l’africain et du travailleur non désiré. Bien qu’il existe de nombreuses approches sur la manière de concevoir la question migratoire, généralement ouvertes sur une culture plurielle, les contradictions sont malheureusement plus palpables au marché du travail et dans les relations professionnelles immigré-employeur.

Le débat dans les cercles sociaux, politiques et professionnels s’incline vers une tendance plus favorable à l’analyse de la condition de l’immigré en période de récession économique. S’il est actuellement admis dans les différents travaux de recherche que l’immigration n’est pas la cause principale des problèmes dont souffre l’économie espagnole, il est aussi légitime d’affirmer que l’emploi des immigrés se justifiait, avant le déclenchement de la crise, par la préoccupation de réduire le coût de production dans certains secteurs, tel le bâtiment. Il est aussi logique de s’interroger sur l’attitude qu’adopte un entrepreneur espagnol dans l’engagement, par exemple, d’un immigré africain.

Cette question invite à déterminer le statut de cette catégorie d’immigrés. D’abord, il s’agit généralement d’un travailleur en situation légale qui provient de la rive sud de la Méditerranée ou de l’Afrique subsaharienne. Ensuite, à la différence des autres collectifs de travailleurs venant de l’Europe de l’este et de l’Amérique du Sud, les africains (maghrébins et subsahariens surtout) sont porteurs de valeurs culturelles spécifiques qui, malheureusement, se transforment en potentielles barrières à l’heure de vouloir accéder au marché du travail en Espagne.

Sans tomber dans ‘exaltation nationaliste, l’africain, qu’il soit arabe ou de race noire, symbolise une culture différente. Dans ce contexte, ni les attraits physiques, ni la religion ni l’ethnie ne doivent être pris comme facteurs décisifs pour exclure l’africain des opportunités d’emploi qui s’offrent au marché du travail.

Comme tout entrepreneur dans le monde des affaires, l’espagnol agit en tant que régulateur de situations délicates au sein de son entreprise, dont le strict respect des normes de travail en dépit du haut taux de chômage. D’après de nombreuses études, y compris les baromètres de l’Institut Espagnol de la Statistique (INE), l’immigration n’a eu aucune incidence ni dans l’augmentation du chômage ni dans l’effondrement des salaires des autochtones. Face à la politique migratoire restrictive, l’Espagne serait confrontée dans trente ans à de sérieux problèmes démographiques comme conséquence du vieillissement de la population et des premières générations d’immigrés. Dans ce cas, l’entrepreneur serait amené à recourir à d’autres alternatives plus coûteuses en quête d’une main d’œuvre qualifiée. Il devrait ainsi investir une grande partie des bénéfices de son entreprise dans la formation d’immigrés jeunes dans leur propre pays en prévision de leur engagement sur des conditions plus avantageuses mais avec plus de droits garantis dans des conventions bilatérales entre Etats.

Recourir à une discrimination professionnelle en période de crise pour des motifs de race ou de confession incite, en réalité, à l’exclusion sociale de l’immigré et à la marginalisation des membres de sa famille (en termes de santé, d’éducation et de loisir). D’autant plus, surgit un autre type de discrimination lorsque l’entrepreneur décide d’opter à d’autres procédés discriminatoires tel l’engagement sélectif (favoritisme larvé) dans leur pays d’origine d’amis ou parents d’immigrés en activité dans son entreprise. Ceci rend encore plus délicate la situation des travailleurs en quête d’un emploi et des chômeurs chroniques.

Dans un autre niveau de réflexion, la délicate situation des immigrés africains au marché du travail est analysée selon la doctrine des droits humains et à travers la revendication du principe « même salaire pour le même emploi » afin de garantir l’égalité salariale.

La finalité d’une telle revendication est d’éradiquer les conduites arbitraires et discriminatoires au sein de l’entreprise pour motifs d’affiliation familiale, d’origine ethnique ou de confession de l’étranger.

D’après des travaux sociologiques, l’embauche des immigrés non qualifiés a peu d’incidence sur la masse salariale des autochtones. Certaines activités de difficile couverture sont affectées sérieusement par la fuite de cerveaux en Espagne (recherche scientifique, médecine, ingénierie, etc.), une circonstance qui invite à un débat plus sérieux sur le modèle d’engagement en Espagne de la main d’œuvre étrangère. Dans ces conditions, l’immigré afro-maghrébin est mieux préparé pour s’intégrer au marché du travail à condition qu’il soit traité au pied d’égalité que les autochtones et les autres collectifs d’étrangers.

 

Mohamed Boundi
Periodista, doctor en sociología y ciencias de la comunicación de la universidad Complutense de Madrid. Corresponsal en España desde 1987, es licenciado en periodismo, investigador en ciencias sociales, opinión pública y cultura política. Publicaciones: “Marruecos-España: Heridas sin cicatrizar”, un estudio sobre la imagen de Marruecos y sus instituciones en la opinión pública española en momentos de crisis; “Sin ellas no se mueve el mundo”, un trabajo de terreno sobre la condición de las empleadas de hogar inmigrantes en España; “La mujer marroquí en la Comunidad autónoma de Madrid: convivencia y participación social”.

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