Population espagnole diminue, collectif marocain progresse

Contrairement à certains commentaires venus dans les médias marocains, le collectif marocain installé en Espagne augmente en dépit de la récession. C’est seulement à partir des données de l’Institut Espagnol de la Statistique qu’il est possible d’analyser des données fiables en vue de pouvoir déterminer les mouvements au sein de ce collectif.

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Autre préjugé qu’il faut aussi démonter est celui qui est relatif au débarquement «en masse» des espagnols au Maroc pour fuir la crise économique dans leur pays. Il n’est guère logique de s’appuyer sur quelques cas de travailleurs qui tentent leur chance au Maroc pour conclure que le royaume est devenu une destination préférée des espagnols comme ont laissé entendre certains reportages dans la presse et les médias audiovisuels.

Les dernières données rendues publiques par l’INE sur les mouvements démographiques en Espagne sont loin de confirmer cette fausse impression. Le Maroc ne figure pas dans la liste des destinations cibles des émigrés espagnols et le nombre de marocains qui ont abandonné l’Espagne en 2012 est insignifiant. Comme base, l’INE retient le chiffre de quatre mille départs volontaires pour dresser une liste indicative des collectifs.

En analysant la situation de l’immigration en Espagne dans les statistiques actualisées le 21 juin, il ressort que le collectif marocain comptait, fin mars, 880.789 membres, soit une augmentation de 32.680 membres en comparaison avec mars 2012 (+ 3,9%). Cependant, le nombre d’affiliés à la Sécurité Sociale a diminué de 7% à fin mai dernier pour se situer à 193.668, contre 208.293 en mai 2012. Ceci démontre qu’il y a plus de marocains qui étaient venus grossir les rangs des chômeurs en Espagne. D’ailleurs, en s’appuyant sur les données de l’Institut espagnol de l’Emploi (INEM), seuls 61.770 marocains bénéficiaient, à fin mai, de l’indemnité de chômage, soit 14.770 personnes de moins par rapport à mai 2012 (- 18,8%). Parallèlement, il y a 153.528 autres marocains qui sont en quête d’un emploi, c’est-à-dire ceux qui sont inscrits dans l’INEM soit pour la première fois soit pour avoir perdu tout type d’indemnité de chômage. Curieusement, il y a 1.706 demandeurs d’emploi marocains de moins par rapport à mai 2012. Ceci signifie que ceux-ci ont été soit embauchés, soit ont cessé de chercher un emploi en annulant leur noms de la liste des demandeurs d’emploi à l’INEM soit enfin avaient opté pour le départ volontaire.

Ces données sur le collectif marocain ne peuvent avoir de signification sans qu’elles ne soient cadrées dans la dernière radioscopie de la démographie en Espagne, rendue publique mardi dernier par l’INE. Selon le recensent de la population en Espagne établi sur la base des registres municipaux, l’augmentation des émigrés (aussi bien autochtones qu’étrangers), spécialement la catégorie d’âge de 25-44 ans en 2012, a provoqué une diminution de la population de 0,2%. Au 1 er janvier 2013, l’Espagne comptait 46.704.314 habitants, soit en termes nets 113.3902 de moins par rapport au 1 er janvier 2013. Comme l’ont expliqué dans un communiqué de presse les experts de l’INE, la baisse de la population espagnole est le résultat d’un solde naturel (naissances moins décès) positif de 48.488 personnes et d’un solde migratoire négatif de 162.390 personnes. En détail, face aux 314.358 personnes qui étaient venus s’installer en Espagne (immigrés) l’année dernière, il y avait 476.748 autres qui ont abandonné le pays (émigrés) vers une autre destination.

Selon l’INE, le nombre d’espagnols qui ont émigré en 2012 a augmenté de 16,5% par rapport à 2011 (67.714 en plus). Autre facteur qui a eu une incidence sur la décroissance démographique est relatif à la baisse des arrivées d’immigrés. En 2012, étaient recensés 56.977 immigrés de moins en comparaison avec l’année précédente. Compte tenu de cette donnée statistique, l’Espagne a réellement cessé d’être une destination pour les immigrés.

L’histoire de la démographie espagnole depuis 1970 fait état d’une évolution imparable. Grâce à l’apport de l’immigration, l’Espagne a vécu un nouveau «baby boom» qui lui a permis de maintenir l’équilibre au sein de sa pyramide d’âge. Les données puisées dans les registres municipaux de la population, rendues publiques en avril dernier, ont en outre signalé un changement de tendance démographique avec une légère diminution de la population globale (nationaux et étrangers ensemble).

En détails et par nationalité, la population d’espagnols née en Espagne s’est réduite de 19.337 personnes. Cette diminution a été compensée par une légère croissance de la population de nationalité espagnole née à l’étranger, qui était de 23.354 personnes. De ce fait, la population espagnole dans son ensemble a progressé de 4.016 personnes pour se situer à 41.586.202 habitants au 1 er janvier 2013. La population étrangère s’est réduite, par contre de 117.918 personnes pour se situer à 5.118.112 personnes.

Autre élément d’information de taille puisé dans la base de données de l’INE, l’émigration est beaucoup plus forte au sein du collectif des étrangers et de la catégorie des jeunes. Sur les 476.748 personnes qui ont émigré de l’Espagne, 12,5% étaient des autochtones. Ce sont 59.724 espagnols (7,7% par rapport à 2011) et 417.023 étrangers (17,9% de plus). Cette donnée démontre que l’Espagne ne souffre pas encore de grandes vagues de départs et que ceux qui abandonnent le pays sont les immigrés contrairement aux analyses superficielles qui viennent dans les médias.

Concernant certains reportages relatifs au retour des marocains et au débarquement d’espagnols au royaume, il suffit de citer quelques données statistiques pour constater qu’il est souvent aventureux de se lancer dans des perceptions mal fondées. L’INE cite l’Equateur, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne comme principales destinations des émigrés espagnols avec plus de 4.000 sorties vers chacun de ces quatre pays. La même source retient également l’augmentation du nombre d’espagnols qui ont transféré leur résidence en Colombie et en Equateur ainsi que la chute de l’émigration vers la Chine et la Bulgarie. Selon cette statistique, le Maroc est encore loin d’être une destination-cible pour les espagnols.

S’agissant du départ volontaire de l’Espagne, les nationalités qui viennent en tête en termes relatifs sont la Roumanie (avec une augmentation de 47% en comparaison avec 2011), l’Allemagne (33,3%), la Bulgarie (31,9%) et le Maroc (23%). Quant à l’immigration selon les principales nationalités d’arrivée, les roumains (28.280 personnes) viennent en tête. Ils ont suivis des marocains (23.408) et des britanniques (16.569). En 2012, 23.408 marocains ont été donc officiellement recensés comme nouveaux résidents en Espagne.

D’autres facteurs entrent également en jeu dans la décroissance démographique telle la chute du taux de natalité, le retard des mariages ou l’âge moyen de maternité qui se situe à 32,1 ans pour les espagnoles et 28,9 ans pour les étrangères.

En conclusion, les marocains en Espagne se maintiennent comme la principale communauté extracommunautaire et sa dimension augmente en dépit de la persistance de la récession.

Mohamed Boundi
Periodista, doctor en sociología y ciencias de la comunicación de la universidad Complutense de Madrid. Corresponsal en España desde 1987, es licenciado en periodismo, investigador en ciencias sociales, opinión pública y cultura política. Publicaciones: “Marruecos-España: Heridas sin cicatrizar”, un estudio sobre la imagen de Marruecos y sus instituciones en la opinión pública española en momentos de crisis; “Sin ellas no se mueve el mundo”, un trabajo de terreno sobre la condición de las empleadas de hogar inmigrantes en España; “La mujer marroquí en la Comunidad autónoma de Madrid: convivencia y participación social”.

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