Barça-Real Madrid (2-1) : un «classico pragmatique et sans brio

Par euphémisme, les médias qualifient chaque duel entre le FC Barcelone et le Real Madrid de «clasico pour l’importance qu’il revêt aussi bien pour le public espagnol que pour les dizaines de millions de téléspectateurs de la planète.

Le FC Barcelone l’a remporté, samedi, sur le score de deux buts à un (2-1) dans un match comptant pour la 10e journée de la ligue espagnole de football (Liga). Comme les précédents «clasicos, celui de samedi a apporté son lot de surprises, de passion et de contradictions. Les deux clubs se sont présentés à la pelouse avec l’idée de gagner la partie.

L’intérêt du Barça était de creuser son avantage en portant de trois points à six son avance sur les «blancs. Le Real Madrid aspirait à battre son rival pour pouvoir se positionner en tête de classement avec le même nombre de points. Les deux clubs avaient beaucoup à gagner mais aussi énormément de risques à prendre. Comme résultat, le public est resté à sa soif devant l’absence du grand spectacle. Les deux coachs ont ainsi opté pour la prudence et le marquage sur les deux super-stars, Messi et Ronaldo, deux joueurs capables à tout moment de changer le signe du match. C’est la raison pour laquelle, ce «clasico a été une rencontre pauvre en buts, sobre en actions des deux cracks et peu spectaculaire.

Pour décortiquer la tactique adoptée par chacun des deux entraineurs, Tata Martino du Barça et Carlo Ancelotti du Réal Madrid, il est indispensable de revoir plus d’une fois la vidéo du match. La rencontre a été préparée comme un terrain miné et parsemé de pièges. D’abord, Martino a privilégié la tactique au spectacle en reléguant au second plan son fameux style du «tiki-taka. Il a sacrifié son idole, Messi, en cédant le protagonisme à son sous-lieutenant, Neymar. Le Real Madrid a été surpris de voir Messi évoluer comme passeur de balles au lieu de directeur d’orchestre. Il a abandonné sa position habituelle au milieu de la ligne d’attaque pour reculer de quelques mètres en se déplaçant d’une aile à l’autre. L’objectif est de créer de grands espaces devant Neymar et Cesc Fabregas qui évoluait comme un faux «numéro 9. Toute la défense «merengue s’est mobilisée pour exercer un marquage de zone sur la «puce argentine. Les deux buts du Barça, marqués successivement par Neymar (19e mn) et Alex Sanche (79e mn), sont le fruit de l’évolution de Messi loin des bois du Real Madrid. Les deux buteurs de la soirée sont rapides mais nécessitent de grands espaces pour être effectifs. La position reculée de Messi a ainsi déséquilibré le schéma d’Ancelotti. Fabregas et Iniesta ont assumé la tâche du harcèlement de la défense «blanche par des incursions par le milieu de la défense alors que Messi s’est positionné comme «bisagra (relais ou pivot volant) entre le milieu du terrain (Xavi, Busquets et Iniesta) et celle de l’attaque (Neymar, Fabregas et Sanchez). Le fait que Messi recule deux pas en arrière, la défense adverse (Carvajal, Varane, Pepe, Marcelo et Ramos) a dû avancer sa ligne en abandonnant la protection rapprochée des bois gardés par Diego Lopez. Le deuxième but du Barça, illustre parfaitement cette tactique.

Autre nouvel aspect de la tactique de Tata Martino, introduit spécialement lors de ce «classico, est la défense à quatre (Dani Alves, Piqué, Mascherano et Adriano) qui se démarque de celles alignées en pareils matchs par ses prédécesseurs Pep Gaudriola et Tito Vilanova. Le «tiki-taki, un signe d’identité du Barça a été sacrifié au profit des longues passes pour surprendre la défense adverse. Messi avait également comme mission de camper en face du portier des «blancs pour le harceler à chaque fois qu’il tente de dégager du pied une passe remise par la défense. Il jouait ainsi sans balle. Le milieu du terrain (Busquets, Xavi et Iniesta), fidèle à sa tâche de faire circuler la balle dans tous les sens, a eu pour objectif d’éreinter l’adversaire par les multiples incursions par les ailes. A cause de cette pression, le milieu de terrain «blanc (Marcelo, Khedira, Modric) a été dépossédé tout le temps de la balle.

Ancelotti a, pour sa part, préparé ses propres «pièges. Il a aligné une équipe à la mentalité offensive avec trois joueurs rapides et habiles (Bale, Di María et Ronaldo), des joueurs qui sont capables de capitaliser tout espace cédé par la défense adverse. Ils sont dotés d’un puissant shoot hors de la surface de réparation, excèllent dans le jeu de tête et sont de rapides dribbleurs. Son idée est d’arracher à tout prix une victoire au Camp Nou et défendre son prestige d’entraîneur d’un club qui a mis à sa disposition des joueurs talentueux mais aussi coûteux. Contrairement à son prédécesseur José Mourinho, il a fait montre de courage en optant pour une tactique offensive et le fair play. Ronaldo a eu au moins trois opportunités de but (dont un penalty à sa faveur non sifflé) et Benzema a semé le désarroi au sein de la défense catalane en faisant trembler les poteaux sur un violent tir. Il a également décidé de retirer le capitaine Ramos de la pelouse, en prévision de son expulsion, à cause des excès de tacles et coups de coude sur l’adversaire. La tactique d’Ancelotti consiste à inciter ses joueurs à se concentrer sur le jeu (et non sur l’adversaire) et la construction des occasions de but pour s’approcher des bois gardés par Valdés.

Le «classico a ainsi été une opportunité d’apprendre de deux entraineurs inspirés et comment se joue un football efficace. Au nom du pragmatisme, le spectacle a été reporté à d’autres matchs moins décisifs. De celui de samedi, se jouait probablement le futur de la Liga. Avec une différence de six points, le Barça dépend désormais de ses propres mérites et non des erreurs des adversaires. Le Réal Madrid, encore en période de rodage avec un Bale incapable de jouer 90 minutes, est appelé à relever une série de défis, dont celui de remporter le championnat.

Le match devait s’achever sur un score fleuve au profit du Barça comme sur un nul. Le «classico a aussi été un grand événement médiatique. Des chaines de télévision d’Espagne ont consacré, samedi et dimanche, des programmes spéciaux qui ont duré toute la journée alors que la presse sportive a illustré sa «Une de clichés des principaux protagonistes : Ronaldo (presse madrilène) et Neymar et Sanchez (presse barcelonaise).

Dans leurs commentaires, les quotidiens se sont attardés sur la comparaison des quatre cracks : Messi-Ronaldo, Neymar-Bale. Seul Neymar a brillé, marqué et ébloui le public. Bale s’est retiré à l’issue de 60 minutes de jeu. Messi et Ronaldo se sont éclipsés devant leurs caporaux (Neymar et Benzema). Le duel l’ont remporté Tata Martino et Carlo Ancelotti pour leur sagesse et lecture du match. En marge du résultat, il est clair que les deux techniciens (nouvellement engagés) continuent de prospecter les idoines formules. A l’issue de la dixième journée, les tests n’ont plus de place et tout relâchement se paiera cher. D’autres clubs, tel l’Atlético de Madrid (2e), ont également la même ambition de rafler tous les titres en lice.

Le débat sur le «classico continue, dimanche, dans les colonnes de la presse sportive. Les quotidiens madrilènes sont mécontents de la prestation de l’arbitre l’accusant d’avoir ignoré un penalty sur Ronaldo alors que leurs homologues catalans se contentent de titrer sur «les 6 points qui séparent les deux eternels rivaux.

C’est la fière des «classicos Barça-Réal Madrid qui revient chaque saison depuis le premier match disputé par les deux clubs, il y a un siècle, le 13 mai 1906.

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