La Liga espagnole est déséquilibrée, monotone et «classiste»

La saison footballistique 2013-2014 d’Espagne paraît être, dès la première journée, une reproduction des traditionnels duels entre le FC Barcelone (Barça) et le Real Madrid (les merengues ou blancs).

mesi-ronaldo La Liga espagnole est déséquilibrée, monotone et "classiste"
Mesi y Ronaldo

Les deux clubs se sont montrés, durant la pré-saison d’été excessivement agressifs, prépotents et ambitieux sur le marché des transferts. La lutte menée dans les coulisses pour l’engagement d’exceptionnels joueurs a été dure à tel point qu’elle a drainé l’intérêt des médias et du public (espagnol et dans le reste du monde) et relégué dans l’oubli le reste des clubs, qui sont éclipsés pour assumer le rôle de simples figurants.

C’est l’éternelle image de la Liga qui devient sempiternelle et redondante. Il y a une exception, cette année. L’Atlético de Madrid a surgi comme un trouble – fête en frappant fort sur la table pour revendiquer la reconnaissance du grand public et renverser l’ordre établi par les deux grands.

Messi-Falcao La Liga espagnole est déséquilibrée, monotone et "classiste"
Messi se saluda con Falcao

Il devance de cinq points le Réal Madrid et partage la tête de classement avec le Barça. A la 16e journée, le classement général offre des arguments utiles pour comprendre cette excentrique situation. Barca et Atlético comptent 43 points chacun sur les 48 possibles, un exploit dont rêve tout club et défraie la chronique pour être un record difficile de battre dans toute autre ligue européenne. Réal Madrid, avec 38, est à cinq points des deux co-leaders. Au 4e rang, campe l’Athletic Bilbao (seul club qui a battu cette saison le Barça) qui compte à son actif 30 points, est à 13 points des co-leaders. En bas du classement, le Bétis avec 10 points, se situe à 33 points loin du duo Barça-Atlético, soit une année lumière de la tête de classement. Le même vient de limoger son entrainer Pepe Mel.

Ces données chiffrées démontrent que le Barça, l’Atlético et le Real Madrid sont les trois sérieux prétendants au titre de champion. Une autre lecture s’impose. La Liga est devenue monotone à cause (pour le bonheur du public) de la force dont font montre chaque journée les trois clubs en enchaînant les victoires faisant fi du lieu où ils disputent leurs matchs ou de l’adversaire en face. L’ironie du sort, dans cette circonstance, a créé une Espagne à deux vitesses avec deux villes qui mènent la barque du football et divise le pays en une région, la Catalogne qui présume de sa qualité de locomotive du modernisme et du sport, et en une autre (Communauté Autonome de Madrid) qui se propose comme un grand centre industriel de créativité et d’activités culturelles et économiques.

La Liga est aussi déséquilibrée à plusieurs niveaux. Aucune loi ne pose de limites au capital dont doit disposer un club ni au niveau d’endettement ni non plus aux montants de contrats d’engagement de nouveaux joueurs. Comme dans le coefficient Gini, utilisé pour mesurer l’inégalité des revenus dans un pays, plusieurs indices sont pris en considération pour démontrer pourquoi existe-t-il des inégalités entre le trio Barça-Atlético-Real et le reste des clubs espagnols. En dépit de la crise économique, il est surprenant de constater que la Liga espagnole est une des plus riches du monde. Elle compte les joueurs les plus riches et les mieux payés. Leurs salaires annuels donnent du vertige non pas seulement à des footballeurs mais également à tout entrepreneur, chef d’Etat ou leader politique. Pour en avoir une idée, il suffit de citer les revenus millionnaires de quelques uns des joueurs évoluant en Espagne : Cristiano Ronaldo (Real Madrid) avec 41 millions d’euros bruts, dont 17 millions nets de salaire par an jusqu’à 2018, versés par le club), Lionel Messi (Barcelone) avec 35 millions d’€ bruts

(12,5 millions d’euros nets de salaires, 0,5 million d’euros de primes, 22 millions d’€ de contrats publicitaires), Neymar (Barcelone) avec plus de 15 millions d’€ (sans compter les revenus complémentaires pour image et contrats publicitaires). Ilsm sont suivis de Iker Casillas (Real Madrid : 12,7 millions d’€), Karim Benzema (Real Madrid : 12 millions d’€), Xavi (FC Barcelone : 7,5 millions d’€), Andrés Iniesta (FC Barcelone: 7 millions d’€), Carles Puyol (FC Barcelone : 5 millions d’€), Xabi Alonso (Real Madrid): 4,6 millions d’€.

Faute de données actualisées de la Liga 2013-2014, il est utile de rappeler les principaux budgets arrêtés en juin 2013: 517 millions d’euros pour le Real Madrid, 470 millions d’€ pour le Barça. Vient en troisième lieu et très loin l’Atlético de Madrid avec 120 millions d’€. Le CF Villarreal avec 67 millions d’€ (nouvellement promu en 1 ère division) est au milieu du ranking des clubs les plus riches. Le Rayo Vallecano avec un budget de 7,5 millions d’€ est en bas du classement. Real Madrid et Barça sont aussi les clubs les plus riches de la planète, selon l’entreprise de consulting Deloitte qui a établi une étude en fonction des résultats financiers de la saison 2011-2012. Selon cette étude, Le Réal a bouclé l’exercice de 2013 sur un budget de 512,6 millions d’euros, devant le Barça avec 483 millions d’euros. Vient ensuite le Manchester United avec 395,9 millions d’euros.

Au niveau de la Liga, les déséquilibres d’ordre financier sont incommensurables. Les comités exécutifs des deux clubs sont ainsi appelés à justifier par des résultats et titres les pharamineux montants mis à leur disposition par les assemblées générales puisqu’ils sont régis comme des entités sans but lucratif. Pour cette raison, les deux clubs sont amenés à récompenser leurs supporters avec un bilan positif en fin de saison. Le Barça, sous les commandes de l’argentin Tata Martin, a l’ambition de rafler, comme à l’époque de Pep Guardiola, les six titres en lice (Championnat, Coupe du Roi, super-coupe, Champions League, super-coupe d’Europe et Coupe intercontinentale). C’est à la fois un défi à relever et un besoin qui débordent les espoirs de tout autre club de la planète. Pour cette raison, il a renforcé ses rangs avec l’incorporation de Neymar Junior en contrepartie de 75 millions d’€. Le montant réel de l’opération de transfert de ce joueur du Santos FC brésilien continue d’alimenter les débats. De son côté, le Réal Madrid n’a pas lésiné sur les moyens en déboursant 101 millions d’euros pour engager Gareth Bale et, du coup, en faire le joueur le plus cher du football mondial. Il s’est attelé aussi aux services d’un entraîneur talentueux, l’italien Carlo Ancelotti. Ses ambitions ne sont guère inferieures à celles de son rival catalan. Il aspire à détrôner le Barça, champion en titre et détenteur de la Super Coupe d’Espagne, remporter sa dixième coupe de Champions League et éviter de finir la saison sur un bilan blanc comme en 2012-2013 avec José Mourinho.

L’Atlético de Madrid, co-leader et détenteur de la Coupe du roi, fait son bonhomme de chemin en se maintenant ferme dans les trois compétitions : Liga, Coupe du roi et Champions League. Son coach, l’argentin Diego Simeone (ex-jouer du club) prêche la modestie et aspire à conduire le club à la finale de la Coupe du roi, se classer pour la Champions League et donner une bonne image au niveau européen.

La Liga est impitoyable avec les mal lotis. C’est la raison pour laquelle elle a le péché d’être classiste. Au moins treize clubs avec moins de 24 points sont, à l’issue de la 16e journée, condamnés à lutter pour la survie et le maintien en première division : Sevilla, Getafe, Valence, Levante, RCD Espanyol, Malaga, Elche, Celta de Vigo, Real Valladolid, Osasune, Almería, Rayo Vallecano et Real Bétis.

Armés de courage, de la bonne volonté et de l’esprit de sacrifice, ils manquent de puissants supports financiers pour disposer de grands joueurs capables de garantir de bons résultats et tenir tête à ceux en tête de classement. Déjà, le ballet des entraineurs a commencé. José Luis Mendilibar de l’Osasune et Pepe Mel du Bétis et Miroslav Djukic du FC Valence ont été destitués depuis le début de la saison à cause de la succession des défaites. D’autres sont menacés de connaître le même sort dont, Paco Jémez du Rayo Vallecano, Luis Enrique du Celta, Berd Schuster du Malaga ou Juan Ignacio Martinez du Valladolid.

Si les espoirs des clubs en bas de classement sont à la hauteur de leurs modestes budgets, ceux en la tête de la table de classement, particulièrement le Barça et le Real Madrid, sont voraces. Leur réussite en fin de saison se mesure en termes de titres remportés. La coupe de la Champions League demeure le grand objectif non pas seulement pour le symbolisme qu’elle représente mais aussi pour les pharamineuses primes à empocher. Outre la planification sportive, interviennent pour concrétiser ces espoirs, le capital, le marketing et le merchandising. Avec des joueurs parmi les plus chers du monde, tels Messi, Neymar, Iniesta, Ronaldo, Bale et Mordic, tout club de la planète n’aurait aucune raison pour ne pas concrétiser le rêve de ses supporters. La Liga espagnole est ainsi faite pour briller.

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