La presse espagnole s’est vue obligée, vendredi, de publier des éditions sans grands titres crucifiant le peuple de la Syrie ni clichés montrant Damas en flammes comme venait de prédire depuis quelques jours. A l’exception du quotidien El Pais, la question syrienne ne fait pas la Une. Elle est reléguée dans les pages intérieures dans le reste de la presse d’audience nationale.
La plupart des chroniques publiées sont une reproduction de dépêches d’agence et commentaires repris sur d’autres journaux étrangers. Il paraît que la question syrienne est trop compliquée pour des journalistes généralement habitués à écrire sur tout thème en sautant d’un genre à l’autre sans se donner la peine de se documenter ni de proposer des arguments convaincants.
La presse espagnole fait ainsi montre de son incapacité de couvrir un grand conflit international sans disposer d’envoyés spéciaux sur le terrain ni s’appuyer sur des collaborateurs experts en questions arabes. Elle a épuisé son stock de «réchauffés» à tel point qu’aucun grand quotidien n’a publié d’éditorial commentant la position du parlement britannique ni expliquer les causes qui retardent l’intervention américaine. Pourtant, il y a seulement 48 heures, les quotidiens avaient surpris leurs lecteurs par la publication de dossiers sur les scenarios post-frappe contre la Syrie. Curieusement, ils n’ont fait, dans leurs analyses, de mention ni des souffrances du peuple de la Syrie, ni de l’ampleur des destructions de l’infrastructure de ce pays ni non plus du sort des millions de réfugiés. Ceci démontre que la presse espagnole s’appuie généralement sur les mêmes journalistes qui sont prêts à recharger leur plume à chaque fois qu’ils sont sollicités à intervenir sur une question. Ce sont en général des professionnels qui écrivent sur l’immigration, les tensions entre le Maroc et l’Espagne, la vie mondaine des footballeurs ou les désastres naturels. Les lecteurs en Espagne sont ainsi restés sur leur soif, vendredi, après avoir été mobilisés à coups de commentaires enflammés sur «l’imminente frappe» contre la Syrie. Dans leurs commentaires, les quotidiens madrilènes passent sous silence le terrorisme islamique dirigé par des cellules affines à Al Qaeda et à des confréries violentes créées pour la circonstance par les ennemis de la nation arabe, dont Israël.
Une lecture des principaux titres, publiés vendredi dans les quotidiens espagnols d’audience nationale, suffit de confirmer cette impression. El Pais titre : «Obama, disposé à agir en solitaire contre la Syrie» alors qu’ABC parle de «jihadistes dans l’attente de l’offensive occidentale contre la Syrie». Pour El Mundo, «La Maison Blanche dit qu’elle lancera l’attaque militaire contre la Syrie sans Londres», enfin, La Razon signale que «Les Etats-Unis insistent sur la coalition internationale contre la Syrie en dépit du rejet de Londres».
Dans leurs chroniques, les quotidiens espagnols se sont attardés sur l’aspect militaire et les préparatifs d’une hypothétique «frappe» du côté occidental. Dans ce contexte, il y a une forte intention de condamner à l’oubli le peuple syrien en dépit des souffrances qu’il endure chaque jour à cause du blocus imposé par la ligue des Etats Arabes, l’Union Européenne et les Etats Unis. Dans un Etat de droit, telle l’Espagne, il est indispensable de placer les droits de l’homme au-dessus de toute autre considération d’ordre géopolitique. Après la «pagaille organisée» par les Etats-Unis et ses alliés en Irak, la grande victime dans le nouvel imbroglio proche-oriental est le peuple syrien avec toutes ses composantes. Les quotidiens et journalistes espagnols devaient être conscients de la condition des peuples de la région et ne pas applaudir les stratégies infernales qui sortent des laboratoires des Etats Majors de l’Occident.