Les contraintes du marché du travail conditionnent la liberté de la femme

La définition de la « violence contre la femme » paraît de plus en plus large eu égard au développement de la doctrine des droits humains. Outre les problèmes qui interviennent dans les rapports entre partenaires, ce concept englobe désormais tous les domaines où est impliquée la femme comme élément actif de la société, mère de famille ou travailleuse. De récentes études en Espagne et dans le monde qualifient de violence contre la femme les difficultés d’avoir des enfants à cause des contraintes du marché du travail ou les conséquences du chômage.

Le sens de la définition de ce phénomène devient plus claire dans la Convention pour l’Elimination de toutes formes de Discrimination à l’Egard des Femmes, adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui est entrée en vigueur le 3 septembre 1981 après avoir été ratifiée par vingt pays. Il s’agit, selon l’ONU, de « tout acte de violence fondé sur l’appartenance au sexe féminin, causant ou susceptible de causer aux femmes des préjudices ou des souffrances physiques ou psychologiques et comprenant la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée ».

Cette définition s’applique parfaitement au marché du travail du fait que le travail temporaire (saisonnier et instable) empêche souvent la femme d’avoir le premier enfant avant d’atteindre 35 ans en comparaison avec le cas de celle qui occupe un poste de travail stable. C’est la revue scientifique Human Reproduction qui est parvenue à cette évidence dans une étude insérée dans sa dernière édition. A chaque fois que la femme consacre plus de temps dans un travail temporaire, plus se réduit la possibilité d’avoir un enfant, retient l’équipe de recherche de l’Université d’Adelaïde en Australie, de l’étude. A cause de sa situation professionnelle, l’employée saisonnière risque de jouir pour la première fois de la maternité à 35 ans. Indépendamment du pouvoir d’achat et du niveau socioéconomique, le travail saisonnier influe énormément sur la décision de la femme d’avoir des enfants, signale l’étude notant que l’ambition des femmes d’accéder à l’indépendance économique devance largement celle de former une famille quel que soit le niveau d’études ou de revenus.

Selon les chercheurs australiens, ce résultat prend le dessus sur l’idée généralisée selon laquelle le recul du taux de natalité est dû au fait qu’il y a de plus en plus de femmes ayant achevé des études supérieures qui décident volontairement de retarder leur maternité pour se concentrer sur leur carrière professionnelle. Pour atteindre cette conclusion, les chercheurs ont réalisé des enquêtes entre 2007 et 2009 avec 663 femmes entre 32 et 35 ans de toute clase et condition professionnelle dans le sud de l’Australie. Sur ce total, 442 femmes (67%) avaient au moment de l’enquête un enfant, dont la majorité a un travail stable et à plein temps mais seules 11% ont un travail saisonnier. Un tiers des femmes interviewées ont un diplôme universitaire, un autre tiers n’ont jamais eu un contrat de travail saisonnier et 75% vivent en compagnie d’un partenaire (non époux).

De ce fait, les chercheurs sont arrivés concrètement à une conclusion selon laquelle pour chaque année de leurs vies consacrée à des travaux occasionnels, les possibilités d’avoir un enfant se réduisait de 8% avant l’âge de 35 ans. Indépendamment des acquis éducatifs, de l’éducation ou du lieu de naissance, la probabilité d’avoir un enfant se réduirait de 23% après 35 ans, à l’issue de trois ans de travail saisonnier, et de 35% après cinq.

L’enquête apporte une autre évidence : la probabilité d’avoir un enfant avant 35 ans deviendrait plus grande au cas où un au moins des deux membres du couple était immigré en Australie.

Avoir des enfants en âge avancé ou renoncer à la maternité n’est pas uniquement une option personnelle des femmes mais une conséquence directe et un reflet de l’organisation sociale, signale l’enquête. Il devient indispensable, à l’avenir, d’accorder « davantage d’attention aux barrières du marché du travail qui risquent d’empêcher la formation et le développement des familles », soutiennent les chercheurs. Ces résultats, bien qu’ils soient spécifiques pour la société australienne, l’équipe scientifique de chercheurs assure que « l’argument selon lequel la situation professionnelle des femmes détermine l’âge d’avoir le premier enfant est important pour tous les pays, spécialement les occidentaux de doctrine néolibérale ».

En Espagne, une autre étude réalisée par la Fondation Adecco, spécialisée en travail temporaire, 97% des femmes victimes de violence de genre assurent que le chômage suppose un frein pour dénoncer la violence contre la femme à cause de la peur de ne plus rencontrer dans l’avenir un autre emploi ou de tomber dans la marginalisation faute de ressources. Ce résultat est atteint sur la base de l’analyse d’une enquête concernant 300 femmes victimes venues demander un emploi aux bureaux de l’Adecco en 2012. “L’emploi est probablement le principal instrument de combattre la violence de genre du fait qu’il attribue à la victime de l’auto-estime et lui garantit l’autonomie et l’indépendance nécessaires pour vaincre cette difficile situation », lit-on dans une des conclusions de l’étude.

Les plaintes pour violence de genre ont baissé, en Espagne, en passant de 142.125 en 2008 à 1287.477 en 2012 (-9,6%). En 2013, ont été enregistrées en Espagne (janvier-juin) un total de 60.982 plaintes. Parfois, la violence de genre en Espagne conduit à des crimes. En témoignent les 700 femmes assassinées par leur partenaire durant la dernière décennie. Cette donnée a été rapportée, début novembre, par l’agence Europa Press sur la base de nombreux entretiens avec des experts et organismes spécialisés.

Dans un numéro spécial sur La journée Internationale sur l’élimination de la Violence contre la Femme (25 novembre), la Gaceta Sindical de la centrale Commissions Ouvrières (CC.OO) signale que 73,4% des victimes mortelles de la violence de genre n’avaient jamais d’énoncé leurs agresseurs.

En repassant ces données et travaux sur le terrain, il paraît que la société dans le monde entier a encore du chemin à parcourir pour mettre un terme (ou au moins limiter) les ravages commis par la violence contre la femme sous différentes formes.

Mohamed Boundi
Periodista, doctor en sociología y ciencias de la comunicación de la universidad Complutense de Madrid. Corresponsal en España desde 1987, es licenciado en periodismo, investigador en ciencias sociales, opinión pública y cultura política. Publicaciones: “Marruecos-España: Heridas sin cicatrizar”, un estudio sobre la imagen de Marruecos y sus instituciones en la opinión pública española en momentos de crisis; “Sin ellas no se mueve el mundo”, un trabajo de terreno sobre la condición de las empleadas de hogar inmigrantes en España; “La mujer marroquí en la Comunidad autónoma de Madrid: convivencia y participación social”.

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