Con ocasión del Día Internacional de la Libertad de Prensa, el pasado 3 de mayo de 2013, la Unión de Clubs de Prensa de Francia y Francófonos (UCP2F) hizo público un manifiesto a favor de la calidad en la información y en contra de la precarización galopante, asumida y aceptada, allí como en España, por la práctica totalidad de la profesión. Por la similitud de intereses lo trasladamos a nuestra audiencia:
Precariedad pero también precarización aprobada y aceptada. Contextos de ejercicio cada vez más vagos que se van quedando desfasados. Proyectos sobre la base de grandes fábricas de marketing disfrazadas de escaparates de «información». Acentuación de la confusión información-comunicación en beneficio de una “tierra de nadie” que mezcla todo, contaminando ambos oficios, y en este escenario, la Unión de Clubs de Prensa de Francia y (UCP2F) hace un llamamiento a la calidad en la información.
Sigue el texto en francés:
L’information est-elle une marchandise à produire au moindre coût pour être rentable ? Le paquet (dire packaging) est-il plus important que ce qu’il contient ? Le tuyau prime-t-il sur ce qu’on y met ? La concentration des médias progresse adossée à une grande lessive menée conjointement par les patrons de presse et certaines instances. Probablement utile, mais l’objectif est-il l’information de qualité ? Que deviennent liberté et diversité dans un milieu où l’information est une marchandise, un produit comme un autre qui n’assure plus dans de nombreux médias que le quota de rédactionnel nécessaire à la pub. Sous couvert de crise et d’austérité, on réduit le temps, les moyens et donc la qualité de l’information. À la frange, se développe une presse sans journalistes qui avance sous alibi d’information et sur lit de communication. Le sentiment de duperie croît dans le public, comme la duperie qui y préside. Il y a place pour tout, à la condition de dire clairement les choses.
L’UCP2F, témoin de la précarisation et du trouble qui règne chez les journalistes de terrain, souhaite cartographier clairement ces «évolutions», la place de l’information, la place des journalistes…
Quelle information voulons-nous ? Quelle information défendons-nous ?
– Celle produite par des journalistes coincés entre le service marketing du média et celui des annonceurs ? – Celle des usines à données «merchandisables» qui se dotent d’une vitrine info – alibi ? – Celle de journalistes priés de courir après l’info en continu, sans recul, voire sans le temps de la vérification, et forcément à contre-emploi ? – Celle de groupes de presse aux impératifs «business» qui imposent marketing, concentration, monopolisation, rationalisation, productivisme, «commandes» au mépris des conflits d’intérêts ? – Celle des plateformes externalisées sans aucun contact avec le terrain ? Tous les signaux indiquent que la confusion entre information et communication est en passe de devenir la règle, particulièrement dans les territoires – pressions diverses et conventions de partenariat ou «d’objectifs» n’ayant qu’une cible : assurer la communication.
Notre appel est celui de la liberté des journalistes, de la nécessité de veiller à des contextes d’exercice sains, de l’impérative obligation d’éclairer nos publics et donc de nous donner les moyens de le faire au lieu de nous contraindre…
Notre appel est celui des moyens d’une information de qualité pour des citoyens informés.
L’acceptation collective nourrit les abandons individuels.
Les journalistes portant le poids d’une information délitée, diluée… Les journalistes insultés sur le terrain, instrumentalisés, ça suffit. STOP !
Il faut dire comment nous travaillons et dire comment nous devrions travailler.
Dire aux publics pourquoi informer et faire notre métier est de plus en plus complexe.
Dire comment nous sommes acculés…
Dire combien on nous met sous pression.
Dire que nous ne pouvons nous battre seuls pour porter cette nécessaire information.
Dire comment à défaut de nous faire plier, on nous met dehors.
Les agressions se multiplient, rendons à César…
– Info minute
Des plus petits aux plus grands médias, l’info minute devient la règle et transforme les journalistes en collecteurs d’instantanés de la réalité qu’ils sont priés de pousser dans un maximum de tuyaux le plus vite possible (tweeter, réseaux sociaux, blogs, articles de plus en plus courts pour des maquettes calibrées de plus en plus court, photo voire clip vidéo…). L’instantané, le simultané, sont-ils de l’information ?… Quel est le temps réel consacré au traitement de l’information ? Où sont vérification et mise en perspective ? Quel est notre métier ? Qu’est-ce qui nous différencie d’un non-journaliste doté d’un téléphone mobile aujourd’hui ? Notre proximité des tuyaux ou ce que l’on met dedans ?
– Info anonyme
Des articles non signés dans des médias déployés entre papier et internet, où se mêlent des communications anonymes, des «contributions de correspondants» et le travail des journalistes. Des médias qui balaient vidéos, sons, écrits, mêlant tout en fatras anonyme. Bien sûr que les comptes-rendus de services presse avec photo fournie constituent de la matière gratuite et facile, mais objective ? Bien sûr qu’il devient difficile de différencier, d’autant que la communication est traitée par des gens formés aux techniques d’écriture journalistique. Bien sûr que l’anonymat préserve de la responsabilité. Bien sûr qu’à un moment il deviendra simple de supprimer le journaliste discrètement, qui fera encore la différence ?
– Info de commande
Relayés par la rédaction, ces « sujets » pilotés par la com, en remerciement d’un budget. Quelle indépendance ? Il y a les publi-rédactionnels pour ça, mais c’est notre assentiment qui est non recherché, mais exigé, sous peine de… Comment résister ? Même dans les gros médias où les journalistes sont sensés être protégés par les délégués du personnel ou sociétés de rédacteurs. Quid des « petits » pourtant garants de la diversité ? Combien pratiquent, au mieux, le contournement et l’évitement d’une actualité dérangeante pour les annonceurs ?
– Info «ressenti», info «émotion»
L’info au sceau du ressenti, sans éléments de réflexion, ou tirant la ficelle «émotion»… Les exemples sont légion. (Le nombre de manifestants primant sur le débat de fond, la dimension «présidentielle» du président primant sur une guerre là-bas au Mali, le mur des cons d’un syndicat de magistrats qui n’est sur le fond pas un scoop (Cahuzac avait Picsou dans son bureau…) ; et les images (JRI débarqués, affamés de «l’image qui fera vibrer», racontant en deux plans choisis une apocalypse alors que la réalité est très différente). Des réactions épidermiques à profondeur zéro. Un traitement qui privilégie celui qui parle (par exemple le militant contre l’entrepreneur), de plus en plus rarement de contre-éclairage…
– Investigation
Notre flambeau, notre Graal,… Notre démarche pour l’investigation est celle de la réappropriation de notre curiosité. Trop de com, de points-presse, de conférences de presse, de communiqués de presse… Et de moins en moins de journalistes. Un système asphyxié et asphyxiant. L’UCP2F tente la création d’un fonds pour le journalisme d’investigation en région, propos tenu par des associations de journalistes en Haïti et dans le Gard. Parce que les médias ne financent plus. Parce que, de fait, les rédacteurs en chef n’ont plus de moyens humains et financiers à y consacrer. L’investigation n’est pas assez «productive», l’objectif est de produire du blabla, de matière quantitative, vite, pas cher pour disposer d’espace publicitaire rentable. Enfin, l’investigation pourrait être dérangeante pour le marketing dans ce joyeux paradoxe qui veut que tout le monde veut de l’info sur les autres et de la com consensuelle sur soi.
Pendant ce temps là, le public déserte à juste titre l’info « Canada dry » et ce brouillard permanent de «brèves» auxquelles aucun sens n’est donné.
– Communication «décomplexée»
Des communicants exigeant, au nom des exigences de leurs clients ou patron, une attitude a minima consensuelle au nom de budgets pub (traduire «attention, j’arrête la pub, j’assèche ton canard et donc ton salaire, coco»), qui créent des supports de com baptisés «médias», «journal»,… considérant que les médias de presse ne «font pas le boulot» (les publicités n’étant plus un objectif mais une monnaie d’échange, de la com qu’ils paient). On a envie de dire «heureusement». On connaît tous des communicants pros, citoyens, mais sont-ils encore majoritaires ? Et qui paiera le travail d’information ? Un public dorénavant acclimaté au « gratuit », modèle créé par des communicants pour vendre des espace pub ?
– Dérive terminologique
La confusion information-communication s’inscrit jusque dans la terminologie. «Journaliste territorial», «presse institutionnelle», la terminologie même de la profession dérive au profit de cette confusion nourrie par certains institutionnels qui par ailleurs recrutent systématiquement des journalistes pour la communication au mépris d’une antinomie de base. Un «journaliste territorial» ça n’existe pas, c’est un rédacteur de com. Les communicants font leur travail, la communication virale en fait partie. Mais nous taire et y souscrire parce que c’est une ressource potentielle, c’est scier la branche sur laquelle nous sommes assis.
– Moins de journalistes
La carte professionnelle, un bon principe et pourtant. Les exemples de cartes indues ne sont pas anecdotiques. Posez la question et comptez les témoignages. Quelle réalité du métier reflète la carte ? La loi ne définit pas le journaliste par la carte. Mais qui se lève contre la discrimination imposée (aides à l’embauche, avantages fiscaux et sociaux,…) alors que les conditions d’exercice ne sont pas préservées laissant les journalistes au milieu du gué. Les pigistes sont de plus en plus en difficulté, le nombre de recours est croissant, mais personne ne veille à sanctionner les médias qui leur imposent de facturer (par exemple en droits d’auteurs ou sous statut d’auto-entrepreneur) les poussant à s’exclure d’eux-mêmes ? De plus en plus de confrères étant mis à la marge, la précarisation progresse, forcément. Quant à la qualité : pas de carte, pas de formation continue…
L’acceptation collective nourrit les abandons individuels avec une presse qui court après le «moins-disant». Comment exiger que soient respectés nos articles et notre signature alors que notre légitimité est affaiblie. Et la boucle est bouclée, nous produisons au format demandé, sans nous insurger des coupures, voire en nous auto-censurant… parce que nous devons vivre et faire vivre les nôtres… ou abandonner et changer de métier.
– Formation
Et moins il y a de place pour les journalistes et plus, surfant sur un fantasme de vérité, d’information, des «écoles» se créent. Chères, souvent ; non agréées, mais qui s’en préoccupe ; pourvoyant plus les services com que les rédactions… Qualité de la formation, coût, débouchés réels, postes en sortie, emplois réels à 3 ou 5 ans… L’Union vient de mettre en place un observatoire. Contribuez à notre répertoire de la formation initiale.
– Journaliste à tout faire
Et cette réalité qui s’impose à tous et qui investit chaque rédaction. Journaliste plurivalent. Réduction des équipes, des moyens d’où les sorties en binôme qui se raréfient, rédacteur-photographe, JRI bi ou tri-qualif (images, son, rédaction et de plus en plus le montage en y incluant les synthés). La conséquence : des métiers disparaissent petit à petit et l’on exige que le rédacteur au terrain ait ce regard périphérique lui permettant de capter L’IMAGE du jour au détriment de l’observation d’une situation pouvant enrichir son papier. Idem pour le JRI plurivalent…
Et pourtant, l’on se rend compte que le sujet traité en équipe est de loin meilleur et que des erreurs se sont produites lors des solos. Mais parce qu’il faut rentabiliser les sorties, on fait l’impasse sur la qualité et les missions hors du quotidien diminuent, vive l’instantané ! Non, sachons dire stop car les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et internautes exigent une info de grande qualité.
– Pression
Et pour ne rien arranger, la pression ! Tu joues avec ton avenir. Tu prends trop de risques. Ton média pourrait perdre un budget pub conséquent pouvant déstabiliser son fonctionnement. Tu ne seras plus accrédité. Persona non grata. Autant de moyens développés pour faire peur, déstabiliser et qui provoquent l’autocensure… et ce sont ces mêmes personnes qui viennent ensuite affirmer «les journalistes savaient, pourquoi un tel silence ?» La majorité des journalistes n’est pas intégrée dans un « cercle » protecteur. Dans les régions mais aussi au national et à l’international, au quotidien, les partenariats collectivités-médias et la proximité font des dégâts au détriment d’un journalisme de qualité tellement essentiel à la démocratie.
Faut-il le crier haut et fort et le DIRE ? C’est sans doute à la profession de réagir dans un premier temps, en collectif solidaire pour que notre voix soit entendue. Il y va de l’avenir de nos métiers. Conflits d’intérêt, exploitation, nature d’un conseil de presse, atteintes au droit, formation, atteintes au contexte d’exercice, etc., contribuez au mur de l’info : [email protected].