Vendredi soir, l’Atletico de Madrid a remporté sa dixième coupe d’Espagne en battant au Santiago Bernabeu le Real Madrid, son voisin et eternel rival. C’est la victoire des humbles sur l’arrogance du champion en titre et la prépotence des riches «socios» (adhérents) blancs. Chacun peut se permettre le luxe de faire sa propre lecture. Seulement, avec cette victoire l’Atletico a voulu démontrer que la Liga n’est pas l’affaire du Barça et du Real de Madrid car les budgets astronomiques de ces deux clubs (plus de 450 millions d’euros) ne leur donnent pas la légitimité de monopoliser tous les titres en lice. L’histoire s’écrit généralement par les pauvres. Cette évidence a été corroborée, vendredi, par les Rouges-Blancs commandés par Simeone. D’ailleurs, il a fallu attendre 14 ans pour que ce club des quartiers ouvriers de la zone Sud de Madrid remporte une victoire sur le Real Madrid, le club auréolé de tous les titres et plébiscité le plus riche de la planète.
Sur quatre finales disputées par l’Atletico contre le Real Madrid dans son propre camp, il a remporté quatre coupes. Il l’a fait dans les années 60 avec Peiro, Collar et compagnie. Dans les années 90 avec Futre, Schuster, Abel et d’autres. Cette année avec Falcao, Diego Costa, Courtois, Gabi et compagnie. Cette équipe fait partie désormais de l’histoire du club. L’Atletico devait attendre durant de longues saisons et plusieurs matchs, subir les anecdotes des «blancs» et digéré l’amertume d’être la grande victime des «los merengues». Peut-être la victoire du vendredi avec pour prime la Coupe du Roi peut être considérée comme revanche sur le colosse de la capitale. S’il a gagné un titre au détriment de son bourreau, durant 14 ans, ceci est un exploit mais s’il le fait dans son propre camp, le Santiago Bernabeu, c’est synonyme de gloire. Ce titre lui accorde aussi la faveur de croiser les armes avec le Barça (actuel champion de la Liga), à la Super-coupe en été prochain.
Dans l’autre camp, le Real Madrid a mis fin à une néfaste saison en faisant ses adieux au dernier titre en lice qu’il comptait placer dans ses vitrines pour sauver les meubles après avoir perdu le championnat (face au Barça) et été éliminé de la Champions League aux demi-finales. Il a la consolation de terminer deuxième au classement de la Liga et de disputer la saison prochain ses chances pour la conquête de la coupe européenne. C’est l’échec de José Mourinho, l’entraîneur de football le mieux pays du monde qui a été engagé pour stopper l’ascension du Barça, gagner la Champions League et tous les titres en lice, et, reconduire le club au sommet du football mondial. A la suite de la défaite du vendredi, le technicien portugais est obligé de sortir par la petite porte sans pouvoir accomplir les objectifs du président du club, Florentino Pérez, qui avait a mis à sa disposition une nouvelle équipe de «galactiques».
Comment a été cuisinée la victoire de l’Atletico et la défaite du Real Madrid ?
D’emblée, il fallait l’admettre que le Real est techniquement supérieur à l’Atletico. Avant d’arriver à la 13e minute, Mario Suarez (milieu de terrain de l’Atletico) perd une balle au centre qui avait fini sur un corner permettant à Cristiano Ronaldo d’ouvrir la marque (1-0), une avance qui donnait à penser à une victoire certaine dans le derby. L’Atletico a su par suite comment réagir et a décidé de prendre les rênes du match. Diego Costa et Falcao exerçaient une forte pression sur la défense «blanche», ce qui l’avait acculée à se barricader dans son aire, commettre des erreurs et perdre des passes. Précisément, sur une récupération d’une balle perdue que Mario remît à Falcao qui, à son tour, la passa à Diego Costa. Ce dernier avait saisi l’occasion et bâtît Diego Lopez, portier du Real Madrid. C’est le but de l’égalisation à la 35e minute et le début d’une nouvelle phase du match. Chacun des deux entraineurs a mis en pratique une stratégie distincte. La peur s’empare des joueurs et le football perd de valeur. Il y avait seulement de l’émotion et de la passion des supporters (30.000 rouges et blancs) qui tentaient de pousser par des cris stridents les deux équipes vers le triomphe. L’Atletico plus prudent résistait à un real Madrid sans idées claires qui fut stoppé à plusieurs reprises par les poteaux (trois tirs) et le gardien des buts «colchonero», Courtois.
En résumé, il y avait peu de football pour une finale de coupe mais trop de passion et de suspense jusqu’au dernier soupir de la prorogation. Le public avait l’impression que l’Atletico savait dominer les moments délicats : défendre avec discipline lorsqu’il n’était pas en possession de la balle, attaquer lorsque le match n’a pas de maître jusqu’a l’égalisation (1-1), et, reprendre l’idée du début du match en empêchant le Real Madrid de jouer à sa bonne guise.
Deux clubs, deux styles
Au plan technique, le Real Madrid a entamé la partie avec une tactique basée sur le forcing (4-3-3). Il a joué avec trois hommes au milieu du terrain (Xabi, Khedira et Modric). Mourinho voulait libérer, grâce à cette tactique, Mesut Özil et Cristiano Ronaldo des tâches défensives. Il voulait aussi éviter la rupture de l’équipe en deux blocs comme lors de partis face à des clubs plus forts, tels le Barça et Dortmund. Il a maintenu cette stratégie jusqu’au début de la prorogation en introduisant une légère modification à son schéma en appliquant son habituelle tactique (4-2-3-1). Le deuxième but de l’Atletico (Miranda, 98e minute), l’a obligé à tout risquer en passant à une défense à trois (Arbeloa, Albiol et Ramos) et quatre hommes à l’attaque (Özil, Higuain, Ronaldo et Di Maria). Enfin, il a obligé Ramos à se joindre aux attaquants.
En face, l’Atletico a entamé le jeu avec une forte défense dans son propre aire lorsque le rival était en possession de la balle s’appuyant sur une combinaison plus souple (4-1-4-1). Sa préoccupation était la défense de sa zone sans avoir l’obsession de dominer la balle. Il laissait le rival avancer pour que soient créées des espaces devant Falcao, Diego Costa et Turan. Après l’égalisation, il avait décidé encore une fois de reprendre la meme tactique. Seul Falcao évoluait comme pointe qui disputait toutes les balles dans la zone adverse.
La bonne prestation de Courtois, une forte dose de chance accompagnée de l’imprécision des madrilènes ont fait le reste. C’est l’esprit de Simeone, un batailleur qui donnait du fil à retordre au Real Madrid, durant son étape de joueur de l’Atletico. Sans titre, le Real Madrid entre en crise. En remportant sa dixième Coupe de l’Espagne, l’Atletico a conservé son signe d’identité de club des humbles avec un budget cinq fois inférieur à celui du Real Madrid. Une bonne leçon de courage, d’humilité et confiance en soi.