La crise a provoqué en Espagne une immigration plus sélective avec un nouveau profil qui diffère de celui antérieur à la crise, qui a déclenché en 2007. Désormais, le marché du travail espagnol compte une main d’œuvre étrangère plus âgée, majoritairement féminine, exerçant dans le secteur tertiaire, mais dotée d’un niveau de formation académique plus élevé et préférant exercer avec le statut d’autonome.
Ce sont quelques conclusions tirées d’une étude réalisée sur la base de statistiques officielles et travaux d’universitaires qui a été présentée, lundi à Madrid, sous le titre «immigration et crise : entre la continuité et le changement». Les auteurs de l’étude relèvent pourtant une perte de près de 900.000 emplois depuis 2007 qui étaient occupés par des immigrés dont «la moitié a été détruite durant les deux dernières années». Il s’agit, déplorent-ils, d’un «choc très fort et très sévère pour ce collectif».
Le rapport, financé par l’assemblée parlementaire de Barcelone, l’institut catalan CIDOB, la Fondation ACSUR et la Fondation madrilène Ortega-Maranion, a été élaboré par un groupe d’universitaires de Madrid et Barcelone.
Parmi les principales conclusions à retenir, le rapport estime que l’Espagne risque de se confronter dans les prochaines années à un manque de main d’œuvre jeune. De même, les immigrés ne sont plus visibles dans les grands chantiers de travaux, tel le bâtiment et paraissent plus vieux que durant la première moitié de la précédente décennie. «Aujourd’hui, le profil du travailleur immigré est constitué de personnes âgées de 35 à 64 ans, alors il y a cinq ans, les plus jeunes étaient majoritaires au sein de ce collectif». Ceci s’explique par le haut pourcentage de chômage juvénile en Espagne qui affecte les personnes âgées de 16 à 34 ans. A titre d’exemple, le chômage affecte 57,22% des moins de 25 ans, selon la dernière Enquête sur la Population Active (EPA – Espagne). De même, a expliqué un des auteurs du rapport, le professeur d’économie appliquée à l’Université Autonome de Barcelone, Josep Oliver, «90% des postes d’emploi détruits durant les deux dernières années ont concerné les jeunes âgés de 16 à 34 ans».
Curieusement, relève le rapport, la baisse des transferts des immigrés à partir de l’Espagne a été inferieure à celle de l’emploi. Le volume de ces transferts a été de près de 6,8 milliards d’euros, soit un chiffre similaire à celui de 2006 mais 20% inferieur au maximum atteint en 2008. La Colombie, l’Equateur et la Bolivie sont les premières destinations de ce transfert alors que la communauté marocaine, qui est la plus nombreuse, effectue moins de virements à destination de leur pays.
Autre observation de taille à retenir de l’étude concerne le maintien de la proportion de l’immigration dans la population générale de l’Espagne en dépit de la crise. Le solde net de la population immigrante est positif avec une valeur de 845.708 personnes durant la période de 2008-2011. Le flux et reflux de l’immigration est constant mais en 2012 une légère diminution de la population espagnole a été constatée, selon l’Institut espagnol de la Statistique, à cause de la réduction du nombre d’étrangers inscrits aux registres municipaux. De même, et en dépit de la persistance de la crise, le climat social n’a pas été altéré et les immigrés n’ont pas été victimes de discours xénophobes, comme dans d’autres pays, observent les auteurs du rapport.