La crise dans le monde arabe à la rescousse de l’économie espagnole

Il est judicieux de nous demander quel rapport existe-t-il entre les crises et troubles sociaux dans de nombreux pays arabes et la situation économique en Espagne. Pour pouvoir comprendre l’intersection des relations internationales et l’implication de manière indirecte de tous les Etats dans la dure conjoncture au Proche-Orient, il est nécessaire de faire appel à plusieurs facteurs.

En théorie, chaque pays tente de tirer profit de la faiblesse des autres pour la garantie d’un équilibre mondial. L’Espagne, qui n’a pas été sollicitée, cette fois, à faire partie d’une coalition militaire en prévision d’une frappe en Syrie – comme lors des guerres en Irak, en Afghanistan ou l’attaque contre la Libye de Kadhafi-, récupère son rôle naturel de puissance régionale. Trois indices suffisent pour démontrer les fruits récoltés de cette attitude : le boom du tourisme, la performance du commerce extérieur, et, la chute de la prime de risque des bons du trésor.

En l’espace de deux semaines, les statistiques officielles rendues publiques par le département du commerce et le ministère du tourisme ainsi que la tendance à la bourse de Madrid apportent de bonnes nouvelles dans la mesure où le commerce et le tourisme se portent de manière excellente par rapport aux autres secteurs productifs et l’Ibex-35 frôle les 8.500 points, loin des 8.100 points au 31 décembre dernier.

Ce qui est surprenant dans cette circonstance est que le commerce extérieur contribue dans la réduction du déficit public et le tourisme dans l’amélioration du marché du travail. Ce sont deux facteurs qui expliquent que l’économie espagnole a entamé sa récupération parallèlement à l’enlisement de la plupart des Etats arabes dans une spirale d’instabilité, des mouvements sociaux incontrôlables et dans des guerres civiles avec le soutien d’autres puissances étrangères.

Dans ce scenario, les promoteurs touristiques espagnols ont des raisons de se frotter les mains. Le marché touristique espagnol est devenu une alternative aux marchés concurrents dans le monde arabe, particulièrement ceux de Tunisie et d’Egypte. Les deux pays, qui accueillaient respectivement huit millions (2012) et 14.millions étrangers (2012), ont perdu près de 30% du total de leurs visiteurs en 2013 à cause précisément de la persistance de la crise politique. En Syrie, il n’y a plus de trace des visiteurs étrangers. D’après la plupart des analyses d’experts, le secteur touristique espagnol est le grand bénéficiaire de l’effondrement de l’industrie touristique dans ces pays qui partagent le même espace méditerranéen.

Les chiffres du tourisme espagnol donnent en outre du vertige, cet été. En juillet dernier, 7,9 millions de touristes internationaux (étrangers) se sont rendus dans ce pays, soit un chiffre égal aux pertes en termes de visiteurs étrangers en Egypte et en Tunisie depuis janvier dernier.

Le tourisme international, un cadeau tombé du ciel

Le secteur touristique, qui représente 11% du produit Intérieur Brut (PIB) de l’Espagne, a permis aux promoteurs touristiques locaux de sauver le reste de la saison pour pouvoir équilibrer leur comptabilité devant la défection du tourisme national. De janvier à juillet dernier, l’Espagne a accueilli 34 millions de touristes internationaux, qui ont passé 37,6 nuits dans les établissements et 16,9 millions de nuits dans des auberges, appartements ou résidences particulières non déclarées. En tout cas, ils ont dépensé au total 34 milliards d’euros qui ont rehaussé les recettes des professionnels. Ceci a été possible grâce à la progression de 3,9% des visites de touristes internationaux par rapport à la même période de 2012. Autre donnée de taille signalée par les statistiques officielles concerne les dépenses moyennes par touriste qui ont augmenté de 6% de janvier à juillet dernier en comparaison avec les sept premiers mois de l’année dernière. En face, le tourisme intérieur a diminué de 6,9% pendant la même période à cause de la récession. Russes, britanniques, français, et italiens viennent en tête des touristes internationaux. Ce sont généralement de potentiels clients des pays qui commercialisent le tourisme du soleil et de la plage, tels ceux du Maghreb, la Syrie et l’Egypte.

D’après des experts en matière touristique, les operateurs espagnols ont su comment capitaliser la délicate conjoncture dans le monde arabe en adoptant une campagne agressive en réduisant les prix et s’appuyant sur le concours des compagnies aériennes Low Cost.

Record historique des exportations

La publication fin août des données sur la balance commerciale espagnole a confirmé la tendance positive amorcée depuis le début de l’année par le commerce extérieur. De janvier à juin, les exportations se sont accrues de 8% pour atteindre 118,722 milliards d’euros, soit un record jamais atteint dans l’histoire des échanges commerciaux de l’Espagne. Grâce à ces chiffres, le déficit commercial a régressé de 69% pour se situer à 5,824 milliards d’euros contre 18,641 milliards d’euros durant le premier semestre de 2012. A titre d’exemple, uniquement en juin dernier, les exportations se sont intensifiées pour marquer une progression de 10,5% alors que les importations ont diminué de 2,8%.

Le taux de couverture s’est ainsi situé à 95,3%, soit 9,8 points au-dessus de celui du premier semestre de l’exercice précédent (85,5%).

Dans l’analyse des marchés à l’extérieur, il ressort que les exportations espagnoles se sont dirigées vers des pays non communautaires dont l’Asie (+18%), l’Afrique (+17,8%), l’Amérique (+6,2%), Amérique Latine (+9,4%) et l’Océanie (+36,3%).

Les exportations espagnoles (janvier-juin 2013) vers le Maroc ont augmenté de 10,2%, de 31% vers l’Algérie, 40,4% vers le Brésil, 13,4% vers la Chine et seulement 5,4% vers les Etats-Unis.

Prime de risque en baisse

Loin d’admettre catégoriquement que les causes de la récession économique ont été éliminées, la bourse de Madrid apporte de nouvelles dans la mesure où la prime de risque après l’ouverture, mardi du marché de la dette de Madrid s’est située à 249 points de référence après que le taux de rentabilité du bon de trésor à dix ans (en comparaison avec son homologue allemand) s’est réduit à 4,396%. C’est le niveau le plus bas depuis le 15 août dernier. En face, le taux de rentabilité du bon allemand de la même durée s’est réduit à 1,896%, contre 1,904% précédemment.

Des analystes de l’agence Efe considèrent que la tendance positive du bon du tresor espagnol comme conséquence du retard de la décision des Etats-Unis d’intervenir militairement en Syrie a été bien accueillie par les investisseurs qui redoutent la provocation d’un conflit global.

En général, le tourisme, les exportations et le comportement de la bourse et de la prime de risque sont des indicateurs qui sont pris en considération dans l’élaboration de perspectives de stabilité dans un Etat. Dans trois pays arabes qui sont fortement affectés par les tensions sociales (Egypte, Tunisie et Syrie), ces trois indicateurs ne jouent pas hélas en leur faveur. Ceci veut dire, que l’Espagne et d’autres pays industrialisés bénéficiés de la fuite des touristes des trois pays arabes de la même manière que des capitaux et de la demande de produits nécessaires à la consommation de leurs populations.

De même, la production stagne en période de tension, et les exportations diminuent en même temps. C’est ce qui démontre que le déficit de la balance commerciale de la Tunisie s’est aggravé de 5,5% de janvier à mai dernier, sous l’effet de la hausse continue des importations de la plupart des groupes de produits, selon la Banque Centrale de Tunisie (BCT) citée par l’agence TAP. De son côté, le premier ministre syrien avait reconnu, en février dernier, que son pays avait importé 100.000 tonnes de farine de blé de l’Iran alors qu’il était autosuffisant en céréales avant la guerre civile. Enfin, l’Egypte, qui fait face à une éventuelle pénurie alimentaire, est en quête de moyens de financement de ses importations à cause de la paralysie de son industrie.

Mohamed Boundi
Periodista, doctor en sociología y ciencias de la comunicación de la universidad Complutense de Madrid. Corresponsal en España desde 1987, es licenciado en periodismo, investigador en ciencias sociales, opinión pública y cultura política. Publicaciones: “Marruecos-España: Heridas sin cicatrizar”, un estudio sobre la imagen de Marruecos y sus instituciones en la opinión pública española en momentos de crisis; “Sin ellas no se mueve el mundo”, un trabajo de terreno sobre la condición de las empleadas de hogar inmigrantes en España; “La mujer marroquí en la Comunidad autónoma de Madrid: convivencia y participación social”.

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