Musulmans d’Espagne: jour de fête, jour de convivialité et réconciliation

La communauté musulmane installée en Espagne a célébré, jeudi 8 août, l’Aïd Al Fitr pour marquer la fin du ramadan dans une atmosphère empreinte de réconciliation et de tolérance entre ses différentes composantes.

Madrid-mezquita-M-30 Musulmans d’Espagne: jour de fête, jour de convivialité et réconciliation

En dépit des facteurs de division qui sévissent dans le monde arabe, les fidèles se sont rendus, tôt dans la matinée, aux mosquées et lieux de prière aménagés dans les petites localités pour accomplir coude à coude la prière de l’Aïd. Ils ont pris ensemble, par la suite, le petit-déjeuner pour démontrer leur attachement aux préceptes de l’islam recommandant le respect mutuel, la solidarité active et l’humilité dans les relations humaines.

Cet esprit confirme, en outre, le comportement communautaire observé durant les 29 jours du mois de ramadan à travers les “ftours” collectifs, la remise de la zakat, l’impôt religieux obligatoire, aux fonds destinés au soutien au peuple palestinien, aux familles les plus nécessiteuses, aux chômeurs chroniques et aux mères seules.

L’affluence a été grande sur les esplanades des deux grandes mosquées de Madrid, Le Centre Islamique M-30 et la mosquée Abou Bakr du quartier de Tétouan. Des marchés de fortune ont été également montés à leur entrée par des vendeurs marocains qui offraient de la menthe fraîche, du Baghrrer (crêpes à mille trous), Mlaoui/M’semmen (galettes molles feuilletées) et Mkharkas/Chebbakias (gâteaux traditionnels au miel). La communauté musulmane a ainsi reconstitué l’atmosphère qui se vit en pareille occasion au pays d’origine.

Certains fidèles se sont cependant demandés sur le décalage de l’Aïd al Fitr entre la plupart des pays musulmans et le Maroc bien qu’ils eurent entamé tous le même jour le mois de ramadan. Ce qui est cependant admirable est que les deux principales entités islamiques d’Espagne, Union de Communautés Islamiques d’Espagne  (UCIE) et Commission Islamique d’Espagne  (CIE), ont publié un communiqué commun dans lequel elles annonçaient l’avènement de l’Aïd al Fitr et le début du mois de Choual 1434 correspondant au 8 août. Avec cette initiative, elles donnaient la preuve que la communauté musulmane en Espagne se démarque de la dynamique d’allégeances à certains régimes pour se placer au-dessus des conflits internes dans le monde arabe. Elles voulaient aussi à travers la signature d’un communiqué commun faire comprendre aux régimes arabes que la communauté musulmane d’Espagne est confrontée à des problèmes inhérents au pays d’accueil et qu’elle est appelée à faire preuve de solidarité et d’entente nonobstant le système politique adopté dans leur pays d’origine.

Selon le premier recensement des musulmans en Espagne, commandité par l’union de Communautés islamiques d’Espagne et rendu publique, fin décembre dernier, sur les cinq écoles reconnues universellement, les rites malékite et hanafite (sounnis) sont majoritairement adoptés en Espagne pour la pratique du culte musulman, suivis dans une moindre mesure du chafiî et du hanbali et du Jaâfari (chiite).

Par nationalité, les marocains représentent près de 50% de la population musulmane, suivis de musulmans autochtones. Il y a aussi une forte communauté pakistanaise installée surtout à Barcelone et Valence. Les musulmans d’Espagne proviennent du Maghreb, de l’Occident subsaharien, du Proche et Moyen-Orient, zônes à partir desquelles ont émigré depuis les années 40 des personnes qui ont acquis par la suite la nationalité espagnole. De même, depuis la fin des années 60, des citoyens espagnols commencaient à embrasser l’Islam.

Les statistiques relatives à cette communauté sont puisées dans les registres du ministère de la justice concernant les entités religieuses et la nationalité ; du ministère de l’intérieur relatifs aux imams pénitentiaires ; de l’éducation nationale pour les élèves étrangers et professeurs de religion ainsi que des rapports établis par l’Union des Communautés Islamiques d’Espagne. La principale source demeure l’Institut Espagnol de la Statistique qui établit les critères et indicateurs relatifs aux naissances, à la mortalité et aux migrations. De ce fait, l’Espagne comptait au 31 décembre 2012 une population de 1.671.629 habitants musulmans dont 783.137 marocains (880.789 au 9 août 2013) et 513.942 citoyens musulmans de nationalité espagnole. Prenant comme référence ces donnés statistiques, il est notamment utile de relever que la communauté musulmane représente 3% du total de la population d’Espagne, dont 30% sont espagnols et 70% sont immigrés. Les régions espagnoles à forte concentration marocaine sont la Catalogne (238.370), l’Andalousie (121.478), Madrid (84.005), la Communauté Valencienne (77.017) et Murcie (72.496).

La communauté islamique compte également d’importants collectifs constitués d’algériens (62.432), de pakistanais (79.626) et sénégalais (63.491). Le reste des collectifs compte 51.405 autres fidèles venant de l’Albanie (1.894), la Turquie (3.024), du Benin (375), du Burkina Faso (1.267), du Cameroun (6.308), de la Côte d’Ivoire (3.175), de l’Egypto (3.261), la Guinée-Bissau (5.357), la Mauritanie (11.435), la Sierra Leona (901), du Togo (454), de la Tunisie (2.048), l’Arabie Saoudite (445), l’Indonésie (1.324), l’Iran (2.986), l’Iraq (987), la Jordanie (1.202), le Kazakhstan (1.028), du Liban (1.379) et de la Syrie (2.555).

D’après le même recensement, 90% des élèves musulmans ne suivent pas des cours de religion et 90% des professeurs de la religion islamique sont en chômage. Seules 5% des entités religieuses sont démunies de lieu de prière alors que 95% d’entre elles ne disposent pas de cimetière propre.

Mohamed Boundi
Periodista, doctor en sociología y ciencias de la comunicación de la universidad Complutense de Madrid. Corresponsal en España desde 1987, es licenciado en periodismo, investigador en ciencias sociales, opinión pública y cultura política. Publicaciones: “Marruecos-España: Heridas sin cicatrizar”, un estudio sobre la imagen de Marruecos y sus instituciones en la opinión pública española en momentos de crisis; “Sin ellas no se mueve el mundo”, un trabajo de terreno sobre la condición de las empleadas de hogar inmigrantes en España; “La mujer marroquí en la Comunidad autónoma de Madrid: convivencia y participación social”.

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