Mohamed Boundi
Les pouvoirs publics sont appelés à promouvoir les conditions favorables pour garantir le progrès social et économique et une distribution plus équitable des ressources au niveau des régions et des personnes en Espagne. La Sécurité Sociale, la protection face au chômage, la préservation de la santé, l’efficience économique des personnes âgées avec des pensions adéquates et révisées périodiquement, et, les services sociaux sont une partie essentielle du modèle social européen qui est garanti dans la Constitution espagnole. Cet extrait est tiré de l’introduction d’une étude qui a pour titre : « Le système de protection sociale en Espagne : les effets dérivés de la crise et des réformes » en Espagne.
L’étude (61 pages), publiée dans les Cahiers d’Information Sociale (nº 39), une revue éditée par la centrale Syndicale Commissions Ouvrières (CC.OO), analyse l’actuelle situation de crise que traverse l’Espagne au niveau des pensions de retraites publiques en Espagne, la santé publique, les services sociaux, le système d’autonomie personnelle et d’attention à la dépendance des personnes handicapées et couches sociales vulnérables ainsi qu’a travers les prévisions sociales complémentaires.
En situation de crise, la réaction des systèmes de protection sociale devient nécessaire car la perte du poste d’emploi, l’augmentation des taux de chômage ainsi que la précarité de l’emploi provoquent la perte de revenus et salaires. Ceux-ci doivent être corrigés avec des prestations de chômage, observe l’étude qui relève que sont nombreuses les personnes et familles sans ressources qui doivent être protégées en leur garantissant une rente minimale. Une forte demande d’attention sanitaire et de services sociaux intervient en même temps.
“Nous sommes conscients du fait que la réduction des ressources tributaires et l’augmentation des besoins de protection sociale en périodes de crise provoquent des différences entre recettes et dépenses”, constatent les auteurs de l’étude. En marge de cette crise, poursuivent-ils, les systèmes de protection sociale requièrent une révision et une évaluation constantes en vue de réagir aux changements survenus et corriger les effets qui risquent de les mettre en danger. A titre d’exemple, l’Espagne doit relever un défi démographique pour le vieillissement de la population dans les prochaines années, « un processus qui génère une forte demande de services sanitaires et sociaux ainsi qu’une augmentation du nombre de retraités ». L’Etat espagnol est appelé à “créer des ressources suffisantes pour pouvoir maintenir une protection sociale adéquate », suggère l’étude.
Les dépenses publiques à titre de pensions ont augmenté depuis la restauration de la démocratie passant de 4,8% en 1977 à 11,7% en 2013 bien que l’évolution en rapport avec le revenu national annuel évolue en dents de scie suivant le cycle économique. Sur les neuf millions de pensions actuelles, la grande proportion se compose de retraités (59,7%), suivis de viduité (26,2%), de l’incapacité permanente (10,6%) et de l’orphelinage (3,1%).
S’agissant des prestations pour chômage, la chute de l’activité durant les cinq dernières années a provoqué la destruction de 3.641.300 emplois portant le taux de chômage à 26,26% au 2e trimestre de 2013. Ce phénomène s’est produit suivant trois phases. La première est la plus « destructive » parce qu’à peine douze mois ont disparu près de 1,5 millions d’emplois coïncidant avec une chute de 4% du Produit intérieur Brut (PIB). Le secteur du bâtiment a perdu, à lui seul, 630.000 postes de travail entrainant une chute d’activité des services qui lui sont liés directement.
La deuxième phase a été marquée par la stagnation du PIB espagnol aux alentours de 0% mais le chômage avait continué. La troisième phase a connu une chute de 2% du PIB et l’application de la politique d’austérité, des problèmes financiers et de la dette. Entre 2011 et 2013, le nombre de personnes occupées a chuté de 1.519.000.
Parallèlement, les dépenses à titre de prestations économiques pour chômage ont augmenté passant de 15,028 milliards d’euros en 2008 à 31,7 milliards d’euros en 2012 (+111%). Il y a actuellement 3.906.042 personnes qui ne perçoivent aucune indemnité de chômage.
L’actuelle crise économique a ouvert le débat sur le destin des ressources publiques et sur comment doit s’organiser la société pour relever les défis et répondre aux attentes des citoyens.
Le débat de fond, basé sur un support conceptuel et idéologique ouvert en ce moment, est celui de savoir s’il est juste/efficace/possible maintenir les instruments d’action collective ou au contraire serait plus rentable/bénéfique/réaliste d’articuler d’autres réponses marquées par la capacité de recettes et dépenses individuelle des citoyens.
Les réformes introduites par le gouvernement, soutiennent les rédacteurs de l’étude, sont le résultat d’une progressive érosion d’éléments essentiels qui ont constitué l’Etat du Bien-être en termes généraux et de son système de protection sociale particulièrement. La conséquence « la plus évidente » de ces réformes est la diminution de la couverture qu’offre le système de protection sociale, et dans certains cas, de la capacité de nombreuses de ses prestations. L’exemple le plus clair à citer dans l’actuel contexte est la situation de près de 660.000 ménages et plus de 1,4 millions de personnes (selon l’Enquête sur la Population Active du 3º trimestre de 2013) se trouvant sous la menace de la pauvreté extrême pour ne bénéficier d’aucune sorte de prestation sociale ni d’indemnité de chômage.
Autre élément à citer concerne la redistribution de la richesse qui se fait par le biais des politiques de dépenses et des politiques fiscales. Le débat exige la garantie et le maintien de l’Etat du Bien-être et de son système de protection sociale, conclut l’étude.